29 avril 1970 : Quand la mer s’est soulevée contre Duvalier

Par Jean Wesley Pierre

Il y a 55 ans, un homme de mer osa défier la terreur du régime. Le 29 avril 1970, le colonel Octave Cayard, commandant de la Garde côtière haïtienne, tenta un coup d’État contre le président à vie François Duvalier. L’histoire a retenu peu de cette journée dramatique, étouffée par la censure, la peur et le silence imposé par la dictature. Pourtant, cet événement mérite d’être exhumé et raconté, pour que les jeunes générations sachent que même dans l’ombre, certains ont osé dire non.

Depuis son arrivée au pouvoir en 1957, François Duvalier, alias “Papa Doc”, avait instauré un régime autoritaire fondé sur la terreur, la surveillance généralisée et le culte de la personnalité. Grâce à sa milice redoutée, les Tontons Macoutes, il avait écrasé toute opposition politique. Mais au sein même des forces armées, des voix s’élevaient, discrètement, contre les abus, les disparitions, les humiliations.

Le 29 avril 1970, le colonel Octave Cayard, en poste à la tête de la Garde côtière, lance une tentative de renversement du régime. Les détails précis de l’opération demeurent flous, mais il s’agissait d’une initiative audacieuse, militaire, coordonnée en mer, visant à atteindre la capitale et frapper le cœur du pouvoir. Mal préparée ou trahie, l’action échoue rapidement. Duvalier, prévenu, fait intervenir ses hommes. La riposte est brutale. Cayard est arrêté, jugé sommairement, exécuté.

Comme beaucoup d’autres épisodes de résistance, cette tentative a été passée sous silence par les manuels scolaires et les discours officiels. Le régime a préféré effacer les traces, faire de Cayard un traître ou un fou, plutôt qu’un homme de courage. Aujourd’hui, il est de notre devoir de nommer les choses : le colonel Octave Cayard fut un opposant au régime, un homme de principes dans une mer agitée de compromissions.

Haïti a besoin de vérité. Elle a besoin de regarder son passé en face, sans fard ni déni. Rappeler ce qui s’est passé le 29 avril 1970, c’est honorer ceux qui ont résisté. C’est rappeler que la dictature n’a jamais été unanime. C’est enseigner aux jeunes que même dans les pires contextes, il y a toujours eu des femmes et des hommes prêts à défendre la dignité du peuple haïtien.

Aujourd’hui, 29 avril 2025, souvenons-nous. Et portons la mémoire du colonel Cayard et de tant d’autres qui, dans l’ombre ou la lumière, ont voulu libérer Haïti.