Lawouze Info

IMG-20250505-WA04221.jpg

Par Jean Wesley Pierre

Dans la nuit du 2 au 3 mai, à “Nan Zombie”, quartier du Cap-Haïtien, cinq présumés membres d’un gang dirigé par un certain « Koulou » ont été abattus lors d’une opération conjointe des unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Deux armes ont été saisies, un individu arrêté. Une intervention qui, si elle salue un effort de riposte, ne parvient pas à masquer le gouffre sécuritaire abyssal dans lequel la nation s’enfonce. Car pendant ce temps, à Cité Soleil, une fillette de six ans rendait son dernier souffle dans un hôpital, victime d’un viol atroce dans un camp de déplacés. Deux faits parmi tant d’autres, qui dressent le portrait d’un pays où la barbarie s’est substituée au droit, et où la mort rôde avec une banalité terrifiante.

Les exactions du gang de « Koulou » — meurtres, viols, expulsions, accaparement de terres — témoignent d’une criminalité qui dépasse la simple délinquance : elle constitue un système de contrôle social, économique et territorial. Dans ce contexte, l’État haïtien, rongé par l’impunité et la corruption, se montre incapable d’assurer sa mission régalienne de protection des citoyens. Les chiffres sont implacables : 33 infrastructures policières détruites ou abandonnées ces dernières années, sous trois directions successives à la tête de la PNH. Une institution à genoux, laissée seule face à des groupes mieux équipés, mieux organisés, et parfois infiltrés jusqu’au sommet.

Vendredi dernier, les États-Unis ont enfin reconnu les groupes armés haïtiens comme des organisations terroristes. Une avancée géopolitique majeure, saluée timidement par le conseiller présidentiel Emmanuel Vertilaire. Mais le silence assourdissant du président du Conseil Présidentiel de Transition, Fritz Alphonse Jean, et du Premier ministre Alix Didier Fils Aimé interroge. Face à une telle déclaration, comment expliquer leur mutisme ? Est-ce de la peur, du calcul ou de l’indifférence ? Leur inertie, dans un moment aussi critique, ne fait qu’alimenter le sentiment d’abandon général et sape les rares efforts de mobilisation internationale.

Et que dire de cette fillette de six ans, violée à mort dans un camp de déplacés ? Son nom ne sera peut-être jamais connu du grand public. Mais son calvaire incarne la tragédie silencieuse vécue par des centaines, peut-être des milliers d’enfants en Haïti. Les camps, censés protéger les déplacés fuyant la violence, sont devenus des zones de non-droit où prédateurs et désespoir règnent. Dans un pays où l’agression sexuelle est un outil de domination, les violences basées sur le genre sont perpétuées dans une indifférence coupable. Les organisations spécialisées crient dans le vide, pendant que la justice, elle, reste aux abonnés absents.

Les récentes déclarations du Département d’État américain, menaçant les expéditeurs d’armes et de fonds aux gangs haïtiens, marquent un tournant. Mais ce ne sont pas les discours qui sauveront Haïti. C’est une réponse intégrée, articulée autour de trois axes : la répression ciblée des groupes armés, la protection active des civils, en particulier des femmes et des enfants, et la lutte contre la corruption qui gangrène l’appareil étatique. Le plan régional envisagé avec l’OEA doit impérativement inclure des mécanismes de reddition de comptes et de soutien aux victimes.

Ce que vit Haïti aujourd’hui n’est pas une crise passagère. C’est une descente prolongée dans l’abîme. C’est l’effondrement d’un contrat social, dans un pays où la mort d’une fillette ne provoque même plus de frisson national. Il est temps que la communauté internationale, les Haïtiens de la diaspora, les défenseurs des droits humains, les journalistes, les avocats, les policiers intègres, les femmes courageuses des quartiers populaires, et chaque citoyen engagé, se lèvent d’une seule voix. Il n’y a plus de place pour l’indifférence. Car à force de silence, on devient complice.

Catégories : Atualités

0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *