L’ex-député de Kenscoff, Alfredo Antoine, a été libéré ce vendredi 9 mai 2025 après son audition au parquet près le tribunal de Première Instance de Port-au-Prince. Appréhendé le 4 avril dernier à sa résidence privée par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), l’ancien parlementaire faisait l’objet de graves accusations : complicité d’assassinat, association de malfaiteurs et financement présumé de groupes criminels. Sa remise en liberté, moins d’un mois plus tard, suscite des interrogations majeures dans les milieux judiciaires et sécuritaires.
Selon les informations disponibles, Alfredo Antoine avait été ciblé dans le cadre d’une enquête de grande envergure menée par la DCPJ, visant à démanteler les réseaux politico-criminels opérant dans la région métropolitaine. Ces structures hybrides mêlant influence politique, argent illicite et gangs armés sont largement tenues pour responsables de l’effondrement de l’ordre public à Port-au-Prince.
La libération de l’ancien parlementaire, sans qu’aucune suite judiciaire claire n’ait été communiquée, envoie un message ambigu à l’ensemble des forces de sécurité. « Cela peut être perçu comme un camouflet pour les enquêteurs de la DCPJ qui, au péril de leur vie, traquent les soutiens logistiques et financiers du crime organisé », commente un spécialiste en sécurité, responsable au sein de l’organisation KOMINOTE PWOGRESIS AYISYEN ( KPA). L’enquête ayant mené à son arrestation aurait pourtant été alimentée par des éléments à charge jugés « crédibles » par plusieurs sources internes à la police judiciaire.
Ce nouvel épisode remet en lumière la problématique chronique de l’impunité en Haïti, où plusieurs personnalités soupçonnées de liens avec des groupes armés échappent systématiquement à la justice. Alors que la population haïtienne vit sous la terreur des gangs avec un pic de violences enregistré depuis début 2024, la confiance envers les institutions judiciaires continue de s’effriter.
Les organisations de la société civile, elles, exigent plus de transparence. Pour Marie-Anne Joseph, directrice du Réseau Haïtien pour la Redevabilité, « la justice doit s’expliquer. Il ne suffit pas de libérer un suspect d’une telle envergure sans livrer d’informations détaillées sur la base de cette décision. Le peuple haïtien a droit à la vérité. »
Si l’ancien député est désormais libre, son nom reste associé à une affaire emblématique des collusions entre pouvoir politique et crime organisé. Les regards se tournent à présent vers le parquet et le juge d’instruction, s’il y a lieu, pour savoir si l’affaire connaîtra un rebondissement ou s’il s’agit d’un nouveau dossier classé sans suite.
Dans un contexte national où la sécurité publique est en lambeaux et où les gangs contrôlent une grande partie du territoire, chaque décision judiciaire prend une dimension stratégique. La libération d’Alfredo Antoine soulève ainsi une question essentielle : jusqu’où la justice haïtienne est-elle prête à aller pour briser les cercles de l’impunité ?
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