Lawouze Info

IMG-20250707-WA0199.jpg

Par Jean Wesley Pierre

Le 3 juillet 2025, le centre du Texas s’est mué en théâtre de désolation. Des crues soudaines, provoquées par des pluies diluviennes, ont emporté la vie de 27 jeunes filles et conseillères au sein du Camp Mystic, un camp d’été prisé niché sur les berges de la South Fork de la rivière Guadalupe. Le drame, brutal, a laissé familles, communautés et observateurs en état de choc. Mais au-delà de la sidération, l’heure est à l’interrogation et à l’indignation. Car si la nature a déchaîné ses forces, l’ampleur de cette tragédie relève d’une responsabilité humaine évitable, systémique et, hélas, récurrente.

Le Texas est tristement familier des crues éclair. Selon le National Weather Service, cet État compte parmi les plus exposés aux inondations soudaines aux États-Unis. Les épisodes extrêmes y sont en hausse constante : entre 2000 et 2022, le nombre d’inondations majeures a doublé dans certaines régions. La hausse globale des températures intensifie les précipitations, amplifie les ruissellements et surcharge des réseaux fluviaux mal préparés.
Mais cette réalité est connue. Prévisible. Documentée. Le U.S. Army Corps of Engineers et la Texas Water Development Board ont, à maintes reprises, alerté sur la nécessité de renforcer la résilience des zones à risques. Pourtant, à Camp Mystic, situé à moins de 100 mètres de la rivière, aucun système d’alerte précoce efficace n’a été mis en place. Aucune infrastructure de repli n’a été prévue. Aucune évacuation ordonnée à temps. À cela s’ajoute un cadre légal permissif en matière d’aménagement du territoire, qui autorise la construction de camps de vacances dans des zones inondables, au mépris de la sécurité des occupants.

La tragédie de Camp Mystic n’est pas un cas isolé. Elle est le symptôme d’un modèle de développement qui refuse de tirer les leçons du passé. En mai 2015 déjà, des crues similaires avaient tué 27 personnes dans le comté voisin de Hays. En 2021, la tempête Harvey avait coûté la vie à 68 Texans. Chaque fois, les mêmes mots reviennent : « événement exceptionnel », « catastrophe naturelle », « tragédie imprévisible ». Chaque fois, les mêmes silences s’abattent sur les vraies causes : sous-investissement chronique dans la prévention des risques, inertie politique face à la crise climatique, dérégulation systémique de l’urbanisation.
Pire encore, le Texas figure parmi les États qui ont activement combattu les régulations environnementales fédérales. Les coupes budgétaires dans les agences de gestion des eaux, le refus d’intégrer les projections climatiques dans les plans de zonage, ou encore l’absence d’un plan global de résilience climatique trahissent une négligence coupable.

À l’heure où des familles pleurent des enfants partis trop tôt, la seule réponse digne est celle de la vérité, de la justice et de la réforme. Il ne suffit pas d’ériger des mémoriaux ou d’observer une minute de silence. Il faut interroger la chaîne des responsabilités : les propriétaires du camp avaient-ils connaissance du danger ? Les autorités locales ont-elles failli à leur devoir d’alerte ? Qui a autorisé l’implantation de ce camp en zone à risque ?
La justice doit passer. Une enquête fédérale indépendante s’impose, accompagnée de sanctions à la hauteur du préjudice. Mais au-delà du procès des individus, c’est un système entier qu’il faut réformer.

Nous vivons une époque où les catastrophes naturelles deviennent des indicateurs sociaux. Elles frappent en priorité les plus vulnérables, exposent les défaillances institutionnelles et interrogent notre modèle de société. Ce drame n’est pas qu’un fait divers météorologique : c’est un miroir tendu à notre époque. Combien d’enfants devront encore périr pour que la vie humaine passe enfin avant les profits, avant les calculs politiques, avant le déni climatique ?
Les citoyen·ne·s ont un rôle à jouer : interpeller les élus, exiger des audits de sécurité dans toutes les structures accueillant des mineurs, soutenir les mouvements écologistes et réclamer un véritable Green New Deal local.
Car se taire, c’est consentir. Et face à l’eau qui monte, seule une société debout pourra empêcher que d’autres vies soient englouties.

À Camp Mystic, 27 voix se sont tues. À nous de parler en leur nom.

Catégories : Atualités

0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *