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Par Jean Wesley Pierre

Port-au-Prince, Haiti – Le peuple haïtien, pris en otage par une insécurité endémique, fait aujourd’hui face à un double scandale : celui d’un pouvoir illégitime, incarné par un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) décrié, et celui d’un processus électoral fictif, conçu comme un écran de fumée pour masquer l’incurie et les connivences politiques.

Lundi 12 mai 2025, plusieurs organisations sociopolitiques ont saisi le Parquet de Port-au-Prince pour porter plainte contre les membres du CPT. Les accusations sont lourdes : corruption, complicité avec les gangs armés, violation des droits fondamentaux, et crimes de haute trahison. Ces plaintes, loin d’être de simples gesticulations politiques, traduisent le désespoir d’une société abandonnée, livrée à la violence et à l’impunité.

Dans ce climat chaotique, le référendum constitutionnel s’est révélé être un naufrage annoncé. Sans textes officiels, sans conditions minimales de sécurité, sans garanties démocratiques, le processus était mort-né. Le parti EDE l’a confirmé en appelant à la démission immédiate du CPT, tandis que Me André Michel dénonce avec justesse une manipulation politique destinée à gagner du temps, à défaut de gouverner.

Pendant que les membres du CPT s’accrochent à leurs privilèges, la réalité du terrain est implacable : des citoyens kidnappés à Kenscoff, une capitale cernée par les gangs, un jeune criminel arrêté à Simon Pelé pour avoir participé à l’incendie d’un concessionnaire, et des poches entières de la ville contrôlées par des chefs de guerre. Malgré des opérations ponctuelles de la Police Nationale d’Haïti (PNH), notamment à Delmas ou Village-de-Dieu, le sentiment d’insécurité est total.

La vérité est crue : aucune élection, aucun référendum, aucune forme de consultation populaire ne peut avoir lieu dans un pays où l’on risque sa vie simplement pour aller au marché, à l’école ou au travail. En l’absence d’un minimum de sécurité, organiser des scrutins n’est pas seulement illusoire – c’est cynique. C’est exposer les électeurs à la mort, c’est légitimer l’inacceptable.

Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, tout comme le CPT, brille par son absence sur le front sécuritaire. Ni stratégie, ni plan d’urgence, ni mobilisation sérieuse de ressources nationales ou internationales. Le silence est assourdissant. Leur passivité conforte l’idée d’un pacte tacite entre pouvoir et milices armées : tant que les gangs assurent le contrôle du territoire, le régime se maintient, même au prix du sang.

Les élites politiques, toutes tendances confondues, portent également une lourde responsabilité. Depuis des décennies, elles surfent sur la misère, la division et la peur pour conserver leurs positions, tout en fermant les yeux sur la prolifération des groupes armés. Cette culture de la compromission a ruiné les espoirs d’un État souverain, juste et protecteur.

Le droit fondamental à la sécurité est inscrit dans toutes les constitutions haïtiennes depuis 1804. Aujourd’hui, ce droit est ouvertement violé. L’État ne protège plus : il abandonne. Il trahit. Chaque citoyen, chaque enfant, chaque mère, chaque commerçant, chaque élève doit pouvoir vivre sans craindre d’être enlevé, battu, ou exécuté.

L’urgence n’est plus d’organiser des élections, mais de sauver une nation en décomposition. Il faut démanteler les réseaux criminels, désarmer les groupes armés, nettoyer les institutions gangrenées, et surtout, garantir que les Haïtiens puissent à nouveau circuler librement sur leur propre sol.

Alors que le président dominicain Luis Abinader convoque les anciens chefs d’État de son pays pour discuter de la situation explosive en Haïti, les dirigeants haïtiens, eux, fuient leurs responsabilités. L’avenir de la nation se joue maintenant. Il est temps d’en finir avec les jeux de pouvoir stériles et d’exiger un plan de sécurisation national, porté par une volonté politique forte, intègre et résolue.

Sinon, il ne restera bientôt plus rien à sauver.

Catégories : Atualités

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