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Dans les salons impeccablement décorés de la Maison-Blanche, s’est jouée ce 9 juillet 2025, une scène surréaliste aux accents d’arrogance coloniale. L’actuel locataire de la maison blanche, Donald Trump, est revenu au cœur de l’actualité politique américaine et toujours en campagne sous ses habits populistes, a accueilli plusieurs dirigeants africains dans ce qui devait être un « sommet de partenariat ». Ce qui en ressort n’est pas une promesse de coopération, mais plutôt une série de maladresses, d’humiliations voilées et de lapsus révélateurs, qui trahissent l’ignorance crasse et le mépris latent d’un système dominant envers l’Afrique.

Quand la diplomatie devient une farce néocoloniale

Félicitant le président libérien Joseph Boakai pour son « excellent niveau d’anglais », Trump semble oublier, ou ignorer, que le Libéria est un pays fondé au XIXe siècle par d’anciens esclaves afro-américains. L’anglais y est langue officielle depuis 1847. Ce compliment, en apparence bénin, dévoile en réalité un présupposé raciste : que l’homme noir, même chef d’État, ne peut être naturellement locuteur de la langue de Shakespeare sans étonnement.

Ce type de remarque n’est pas isolé. Lors de la même réunion, Trump a interrompu sans gêne le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, arguant d’un « programme » à respecter. Un geste impoli, sans précédent diplomatique digne, et porteur d’un message implicite : vos paroles n’ont de valeur que dans la mesure où elles ne dérangent pas l’agenda du maître de maison.

Mais le sommet de l’humiliation fut atteint quand Trump, les yeux balayant la salle, a demandé aux dirigeants présents : « Si je pouvais juste avoir votre nom et votre pays, ce serait parfait. » Phrase lourde de sens, digne d’un employeur en entretien ou d’un douanier suspicieux, et non d’un chef d’État supposé dialoguer avec ses homologues.

Derrière les mots, une architecture du mépris

Ce mépris n’est pas anecdotique. Il s’ancre dans une tradition impériale bien connue des penseurs panafricanistes. Aimé Césaire parlait de la « grande condescendance » occidentale, Frantz Fanon dénonçait le « regard pathologique » du colon sur le colonisé, et Jean Price-Mars appelait à la décolonisation mentale pour se réapproprier notre dignité.

Ce que Trump incarne ici, ce n’est pas seulement une figure politique détestable : c’est l’expression brute d’une géopolitique racialiste, d’un monde structuré autour d’une hiérarchie héritée de l’esclavage, de la colonisation, et du pillage néocolonial.

Quand Trump propose comme solution aux conflits au Soudan et en Libye… d’acheter des armes américaines, il ne fait que réactiver un schéma bien connu : transformer les souffrances africaines en opportunité économique pour l’industrie de guerre occidentale. Sous couvert de paix, on alimente les marchands de mort. Ce n’est pas de la diplomatie : c’est une entreprise d’exploitation cynique.

En 2023, l’Afrique a importé pour plus de 2,8 milliards de dollars d’armes, principalement des États-Unis, de France et de Russie. Une grande partie de ces armes finissent entre les mains de milices ou d’armées répressives.

Le Soudan et la Libye, deux pays cités par Trump, sont ravagés par des guerres dont les causes profondes sont liées à des interventions étrangères (guerre OTAN en Libye en 2011, implication de puissances dans le conflit soudanais).

En termes d’aide au développement, les pays africains reçoivent bien moins qu’ils ne perdent : selon un rapport de la Global Justice Now, l’Afrique « perd » plus de 60 milliards de dollars par an en flux illicites, dettes injustes, et évasion fiscale organisée par les multinationales occidentales.

Devoir de lucidité : les responsabilités sont partagées

Il serait hypocrite de ne pointer du doigt que Trump. Les dirigeants africains présents ont, pour la plupart, gardé le silence. Aucune protestation publique. Aucune remise en cause du cadre de cette rencontre. Cette passivité diplomatique illustre le profond malaise de nombreuses élites africaines, souvent cooptées, formées, et financées dans des logiques clientélistes par les grandes puissances.
La complaisance face à l’humiliation est aussi une faute politique. Comme l’écrivait Anténor Firmin : « Ce n’est pas la race, mais l’homme qui se dégrade. »

Que faire ? Pour une diplomatie de rupture et de dignité

Ce moment doit nous réveiller. Les peuples africains et afro-descendants dont Haïti, matrice de la liberté noire, ne peuvent plus se satisfaire de « partenariats » biaisés, de pseudo-sommets où l’on joue les figurants face à des puissances qui n’ont jamais renoncé à dominer.
Il est temps de :

Redéfinir nos alliances internationales sur la base de la souveraineté réelle, de l’intérêt des peuples, et non des élites.

Investir dans l’unité politique panafricaine, avec des institutions capables de parler d’une seule voix sur la scène internationale.

Exiger des réparations historiques, notamment sur les dettes odieuses, les ressources pillées et les crimes coloniaux impunis.

Décoloniser l’imaginaire : former une jeunesse consciente de sa valeur, de son histoire, et apte à affronter les logiques impérialistes avec intelligence, créativité et fermeté.

Une traversée, oui, mais vers la libération

Ce que Trump nous a montré, ce n’est pas un accident de langage. C’est un miroir. Celui d’un monde encore fondé sur le mépris du Noir, la hiérarchisation raciale des relations internationales, et l’économie de guerre. Mais ce miroir, nous devons le briser.

Nous ne sommes pas des invités muets dans la salle blanche des puissants. Nous sommes héritiers d’Haïti 1804, de Patrice Lumumba, de Thomas Sankara. Nous ne devons plus quémander une place à table : nous devons construire la nôtre.
Ce combat n’est pas seulement politique. Il est existentiel.
Et il commence maintenant.

“L’Afrique n’a pas besoin d’aumône, mais d’unité, de justice et de mémoire.” – C.L.R. James

Souvenons-nous. Et avançons.

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Catégories : Internationale

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