Par Jean Wesley Pierre
Mardi 29 avril 2025, l’hôtel Montana a servi de décor à une réunion que l’on présente comme « stratégique » entre l’administration du Centre Ambulancier National (CAN) et diverses parties prenantes, dont le Conseil Présidentiel de Transition, représenté par son Conseiller-Président Louis Gérald Gilles. À en croire le communiqué officiel, l’objectif de cette rencontre était de « renforcer la capacité opérationnelle du CAN » pour une meilleure réponse aux besoins sanitaires de la population haïtienne. Mais au-delà des intentions proclamées et des discours formels, que faut-il réellement attendre de ce type de rendez-vous politico-administratif ?
Créé pour répondre efficacement aux urgences médicales à l’échelle nationale, le Centre Ambulancier National est aujourd’hui une institution à bout de souffle. Manque de moyens, déficit en personnel formé, absence d’un système de coordination intégré, logistique obsolète : les maux sont connus et identifiés depuis des années. Ce n’est donc pas la première fois qu’un responsable politique promet un plan de renforcement du CAN. Ce qui l’est moins, c’est la capacité réelle de l’État – en transition ou non – à transformer les promesses en actions concrètes.
Le Conseiller-Président Gilles a évoqué « des pistes concrètes », telles que l’augmentation du nombre d’ambulances ou la formation en secourisme. Or, ces mesures, bien que pertinentes, ne sont ni nouvelles ni suffisantes. Elles ne constituent pas un plan systémique pour sortir le CAN de son impuissance actuelle. Dans un pays où la majorité des zones rurales sont privées d’accès rapide aux soins d’urgence, parler d’ajout d’ambulances sans mentionner l’entretien, le carburant, les routes impraticables ou encore la sécurité des équipes médicales relève plus du vœu pieux que de la stratégie rigoureuse.
Plus préoccupant encore, aucune feuille de route claire n’a été présentée lors de cette rencontre : pas de calendrier, pas de budget chiffré, pas d’indicateurs de suivi. Le Conseil Présidentiel de Transition, qui a multiplié les apparitions publiques ces dernières semaines, semble davantage miser sur l’activation médiatique que sur une gouvernance orientée vers les résultats. L’implication d’acteurs internationaux, comme l’ambassade de Taïwan ou d’ONG partenaires, est louable, mais elle ne peut se substituer à une véritable vision étatique. La dépendance chronique à l’aide extérieure pour un service aussi fondamental que les urgences sanitaires est, en soi, un aveu d’échec politique.
Sans politique de santé cohérente, sans réforme structurelle du système de secours, sans mécanismes de financement pérennes, le CAN restera un corps moribond. L’urgence n’est pas de multiplier les annonces, mais d’investir durablement, de professionnaliser la gestion, de dépolitiser les nominations, et surtout, de placer la santé publique au cœur de la transition.
La rencontre du 29 avril aurait pu marquer un tournant. Elle ne fut qu’un rappel – un de plus – de l’écart abyssal entre les discours de soutien et les actes concrets. Le Conseil Présidentiel de Transition a encore la possibilité de rectifier le tir. Mais cela nécessitera autre chose que des déclarations d’intention : une planification rigoureuse, des engagements budgétaires vérifiables et, surtout, la volonté politique de construire un système de santé digne de ce nom.
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