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Par Jean Wesley Pierre

Ce mardi 19 août 2025, la bibliothèque Michèle Tardieu de Pétion-Ville s’est transformée en un véritable sanctuaire d’images. Le Kolektif Fotograf Ayisyen y a clôturé la troisième édition de “Imayiti Festifoto” par une exposition hors du commun. Les murs vibraient de clichés puissants, sensibles, poétiques comme des poèmes visuels venus caresser nos sens et réveiller nos imaginaires. Les jeunes, venus en foule, ont contemplé des scènes qui parlent, des instants saisis qui résonnent comme des mots, des phrases, des récits, mais sans encre ni papier : uniquement par la force de la lumière et de l’objectif. Cette rencontre a soulevé une question essentielle : pourquoi la photographie est-elle un outil si puissant pour mettre en valeur et préserver la culture haïtienne ?

La culture haïtienne révélée à travers l’image

Haïti est un pays riche en couleurs, traditions et gestes quotidiens qui racontent une histoire bien plus profonde qu’on ne l’imagine. Les photographes du Kolektif ont su capturer l’essence de cette diversité : un marché populaire où s’entrelacent la débrouillardise et la créativité, une procession vaudou qui rappelle la force spirituelle et la résistance historique, des visages marqués par la dignité malgré les épreuves.
Ces images ne sont pas de simples représentations ; elles sont des fragments de mémoire vivante. Elles rappellent que la culture haïtienne n’est pas figée dans les livres d’histoire mais qu’elle se réinvente chaque jour, dans les rues, les regards, les fêtes et les gestes ordinaires.

La photographie, plus qu’un art : un langage

Loin d’être seulement une quête esthétique, la photographie est ici un langage visuel qui traduit ce que les mots ne savent parfois dire. Elle transmet des émotions, révèle des injustices, célèbre des beautés cachées. Chaque cliché devient une phrase, chaque exposition une conversation collective.
En Haïti, où l’oralité a longtemps été la première forme de transmission, la photographie ajoute une nouvelle dimension : celle d’une mémoire visuelle durable. Elle parle aux générations futures, elle résiste à l’érosion du temps, elle confronte les stéréotypes étrangers qui réduisent souvent Haïti à la misère et au chaos.

Les photographes, artisans d’une identité visuelle

Le rôle des artistes-photographes haïtiens est crucial : ils sont des gardiens d’images, des témoins de l’histoire en marche. Leur travail participe à la construction d’une identité visuelle nationale qui ne se laisse pas dicter de l’extérieur.
À travers une exposition comme Imayiti Festifoto, ils éveillent une conscience : culturelle, en rappelant l’immensité de notre patrimoine ; sociale, en donnant un visage à ceux qu’on ignore ; et politique, en imposant une narration où Haïti s’exprime elle-même. Dans un pays où l’histoire a souvent été écrite par d’autres, la photographie devient un acte de souveraineté.

L’image comme résistance et mémoire

Imayiti Festifoto n’était pas seulement une exposition, c’était une déclaration : la photographie est un outil de transmission, un art de résistance et un acte de dignité. Elle préserve ce qui risque de disparaître, elle corrige ce qui a été déformé, elle redonne voix à ce qui a été réduit au silence.

Dans un monde saturé d’images superficielles, cette initiative rappelle que la photographie, en Haïti, n’est pas un luxe. Elle est un patrimoine vivant, une arme contre l’oubli, un miroir où se reflète notre identité collective. Et c’est peut-être là, plus que jamais, que réside sa puissance : dans sa capacité à nous rassembler autour de ce que nous sommes, et de ce que nous refusons de perdre.

Catégories : Culture

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