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Analyse inspirée des débats de l’émission ANALIZ, Radio Télé Métropole, 23 août 2025
Haïti vit aujourd’hui une crise sécuritaire qui ne se résume pas aux fusils et aux territoires perdus. Elle révèle l’incapacité chronique de ses dirigeants à penser la sécurité autrement que sous l’angle de solutions improvisées, souvent dictées de l’extérieur. Le débat organisé par Radio Télé Métropole à l’émission ANALIZ, ce samedi 23 août 2025, a permis d’esquisser une réflexion de fond : la guerre contre les gangs ne peut être gagnée ni par des mercenaires parachutés ni par des décisions prises dans des capitales étrangères, mais par une stratégie globale, souveraine et assumée.

L’illusion d’une solution armée importée

Pour l’ancien militaire invité à l’émission, l’idée de faire intervenir des groupes paramilitaires étrangers relève d’un mirage. Elle donne l’illusion d’une efficacité rapide, mais elle est condamnée à l’échec, car elle ne prend pas en compte la complexité sociale et politique du phénomène des gangs. Ce regard met en lumière une faille plus profonde : au sommet de l’État, il n’existe ni savoir-faire, ni planification, ni volonté réelle de s’attaquer au problème à sa racine. La violence est traitée comme une urgence ponctuelle, jamais comme le symptôme d’un système en faillite.

Une histoire qui se répète

Un autre intervenant, venu d’un champ plus académique, a replacé la crise dans une perspective historique. Pour lui, ce qui se joue aujourd’hui rappelle les grandes conférences coloniales où des puissances étrangères redessinaient le destin de peuples absents des discussions. De la même manière, les solutions envisagées pour Haïti semblent élaborées en dehors des Haïtiens eux-mêmes, réduits à subir des choix imposés. Ce rappel d’histoire invite à une vigilance : chaque fois qu’Haïti délègue sa souveraineté, elle se retrouve plus affaiblie encore.

Une stratégie qui doit s’inscrire dans le temps

À cette double critique illusion militaire et répétition coloniale s’ajoute la voix d’un spécialiste en relations internationales qui appelle à une vision plus méthodique. Selon lui, toute intervention limitée à une opération de police ou à une mission armée est vouée à l’échec. La seule approche viable est une stratégie séquencée : d’abord une phase sécuritaire de court terme pour réduire la puissance des gangs ; ensuite une période de stabilisation visant à reconstruire l’État et ses institutions ; enfin, un travail de consolidation à long terme pour garantir la viabilité politique et économique du pays. Sans cet enchaînement logique, aucune solution ne pourra être durable.

Une crise à double visage

Au fond, les trois analyses convergent. La première insiste sur l’incapacité de la classe dirigeante, qui agit sans vision ni expertise. La seconde alerte sur le danger de répéter les logiques coloniales en acceptant que d’autres décident à la place du peuple haïtien. La troisième rappelle que sans planification globale, toute action restera un pansement sur une plaie gangrenée. Ensemble, elles mettent en évidence la double vacuité qui mine Haïti : un vide de leadership interne et une dépendance accrue vis-à-vis de l’extérieur.

Un choix de civilisation

La société haïtienne se trouve ainsi face à un dilemme historique. Elle peut continuer à attendre des solutions venues de l’international, au risque de s’enfermer dans une dépendance chronique. Ou elle peut se saisir elle-même de son destin, en rassemblant ses forces vives, en pensant collectivement une issue qui conjugue sécurité, justice sociale et refondation institutionnelle.
Les citoyens, confrontés à l’insécurité et à la souffrance quotidienne, n’ont pas seulement besoin d’hommes armés dans leurs rues : ils ont besoin d’un État qui protège, d’élites qui assument, et d’une société qui croit encore en sa propre capacité à se relever.
La question centrale reste entière : Haïti choisira-t-elle l’illusion d’une solution imposée ou la dure mais nécessaire voie de l’autodétermination ?

Catégories : Politique

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