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Port-au-Prince, août 2025 –
Les traces de la violence sont visibles partout : routes coupées, maisons incendiées, toitures emportées, murs détruits. Dans certaines rues, des écriteaux griffonnés sur les ruines rappellent la domination passée des gangs, comme si l’espace urbain portait désormais leur signature. À l’intérieur des maisons abandonnées, l’odeur de pourriture se mêle à la végétation qui s’installe déjà entre les fissures, transformant les quartiers en terrains vagues.

Ce décor n’est pas seulement le vestige d’affrontements armés, il est aussi l’expression d’une désorganisation totale de l’État. Car si des familles déplacées tentent aujourd’hui de revenir dans ces zones dévastées, c’est moins par choix que par contrainte. Les camps de fortune, surpeuplés et insalubres, ne permettent pas une vie digne. Le retour apparaît donc comme une alternative forcée, même si le danger reste omniprésent.

Une réintégration de façade

Parler de réintégration est trompeur. Dans la réalité, il ne s’agit pas d’un processus structuré mais d’une improvisation douloureuse. Les habitants reviennent balayer les décombres, tenter de rebâtir des murs, occuper les ruines de leurs propres maisons. Mais cette présence physique ne signifie pas une véritable reprise de vie. Sans infrastructures, sans services publics et surtout sans sécurité, ces quartiers ne peuvent fonctionner comme des espaces de résidence stables.
Le simple fait de nettoyer les traces laissées par les gangs prend une dimension symbolique : c’est une tentative de reprendre possession d’un lieu, d’effacer la mémoire de la violence. Mais la peur reste ancrée, car rien ne garantit que les groupes armés ne reviendront pas.

L’État absent et les institutions défaillantes

Le problème fondamental réside dans l’absence totale de l’État. Ni le gouvernement, ni les institutions locales, ni même le Conseil présidentiel de transition n’ont mis en place une stratégie pour sécuriser, réhabiliter ou reconstruire ces quartiers. Les familles déplacées se retrouvent ainsi seules, condamnées à improviser leur propre retour dans un environnement hostile.
Cette passivité institutionnelle traduit une réalité brutale : l’État ne protège plus, il ne reconstruit plus. Il se contente d’assister, impuissant ou indifférent, au drame quotidien de ses citoyens.

Survivre au lieu de revivre

Ce que vivent ces habitants n’est donc pas une réintégration, mais une survie. Ils réoccupent des espaces inhabitables, bricolent des abris de fortune, tentent d’exister au milieu des ruines. Mais tant que trois conditions essentielles ne seront pas réunies – sécurité durable, appui économique, et plan de reconstruction collective – leur retour restera une illusion.
En l’état, les quartiers ravagés ne sont pas des lieux de vie retrouvés, mais des cimetières de mémoire où les survivants essaient de s’accrocher. Sans volonté politique claire, cette réoccupation forcée n’ouvre pas la voie à une renaissance, mais prolonge la tragédie d’un peuple abandonné dans ses propres décombres.

Crédit Photo : Vant bèf Info

Catégories : Société

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