Port-au-Prince / New York, 22 septembre 2025 –
Le sous-secrétaire d’État américain Christopher Landau a annoncé ce lundi 22 septembre 2025, en marge de la 80e Assemblée générale des Nations Unies, des sanctions à l’encontre de l’ancien sénateur Antonio “Don Kato” Cheramy et de l’ex-député Arnel Bélizaire.
Selon M. Landau, ces deux anciens parlementaires haïtiens « ont joué un rôle déstabilisateur dans le processus démocratique en Haïti ». La déclaration a été faite lors d’une réunion tripartite Kenya–Haïti–États-Unis consacrée à la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).
Arnel Bélizaire : un parcours politique jalonné de démêlés judiciaires
Figure controversée de la scène politique haïtienne, Arnel Bélizaire a souvent été au cœur de scandales mêlant justice et politique.
Un passé carcéral trouble : ▪︎ Condamné en 2005 à 18 mois de prison, il n’aurait purgé que 356 jours, selon un calcul officiel qui estimait sa peine complète à 549 jours. Ce déficit alimente encore aujourd’hui des interrogations sur les conditions de sa libération.
▪︎ Député malgré un casier judiciaire : En 2011, il se porte candidat aux élections législatives dans la circonscription de Delmas/Tabarre et est élu, malgré ce passé judiciaire.
▪︎ Arrestation spectaculaire en 2011 : Le 27 octobre, à son retour d’une mission parlementaire en France, il est arrêté à l’aéroport de Port-au-Prince pour « évasion de prison ». L’affaire provoque un tollé, la détention violant son immunité parlementaire. Transféré au pénitencier national, il passe la nuit au greffe avant d’être reconduit au Parlement moins de 24 heures plus tard. Le parquet l’accusait de figurer sur une liste d’évadés des mutineries de 2004 et 2005, mais la Chambre des députés classera l’affaire en mars 2012, sans explications.
▪︎ Récidive en 2025 : Le 30 avril dernier, Bélizaire a de nouveau été arrêté à Jacmel après une altercation violente avec une marchande. Selon plusieurs témoins, il aurait agressé la marchande après un refus d’invitation, renversé son étal, puis sorti une arme à feu pour intimider les riverains venus s’interposer. La victime, soutenue par une avocate influente de sa famille, a porté plainte, menant à son arrestation immédiate.
Ces épisodes nourrissent des rumeurs persistantes sur son tempérament explosif, certains le décrivant comme un « électron libre » capable de gestes imprévisibles. Bélizaire, lui, a toujours dénoncé des poursuites à caractère politique.
Antonio « Don Kato » Cheramy : du militantisme musical aux accusations de déstabilisation
Ex-sénateur de l’Ouest et chanteur engagé du groupe Brothers Posse, Antonio Cheramy, surnommé Don Kato, s’est longtemps présenté comme la voix des mouvements populaires contre la corruption et l’autoritarisme.
Un mandat sénatorial marqué par l’obstruction :
▪︎ Durant son passage au Sénat (2016-2020), il s’est fait connaître pour ses prises de position virulentes contre les gouvernements successifs et sa participation active aux mouvements de protestation de 2019, accusés par le pouvoir de paralyser le pays.
▪︎ Ses détracteurs l’accusent d’avoir entretenu des liens financiers avec des groupes de rue lors des grandes manifestations anti-gouvernementales. Aucune preuve judiciaire n’a cependant été produite.
▪︎ Sanctions américaines : Si le Département d’État ne détaille pas les « actions déstabilisatrices » reprochées, des sources diplomatiques évoquent son rôle supposé dans la coordination de mouvements visant à empêcher l’organisation d’élections et à fragiliser les institutions.
Des sanctions symboliques mais lourdes de conséquences
Les mesures américaines, qui incluent généralement interdiction de visa, gel des avoirs aux États-Unis et restrictions financières, frappent deux figures déjà connues pour leur opposition farouche aux gouvernements haïtiens successifs.
Elles envoient un signal clair : Washington entend resserrer la pression sur les acteurs accusés de miner les institutions haïtiennes au moment où la communauté internationale tente de relancer un processus électoral bloqué depuis des années.
Entre justice et politique
Les deux anciens parlementaires rejettent depuis longtemps les accusations portées contre eux, dénonçant des poursuites politiques orchestrées par des pouvoirs en place ou par des forces étrangères. Mais leurs antécédents judiciaires, rumeurs d’agressions, et participation à des mouvements contestataires, complicité avec des bandes armées, entretiennent une image ambivalente qui fragilise leur défense.
Alors que la Mission multinationale d’appui à la sécurité se met en place et que les discussions sur le futur gouvernement de transition se poursuivent, ces sanctions pourraient réduire l’influence de Cheramy et Bélizaire sur la scène politique haïtienne, tout en relançant le débat sur les liens entre criminalité, impunité et pouvoir en Haïti.
La rédaction
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