Par la rédaction de Lawouze Infos
Port-au-Prince, 13 novembre 2025 — Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a publié son plus récent rapport sur la situation des droits humains dans le pays, pointant du doigt le commissaire du gouvernement de Miragoâne, Me Jean Ernest Muscadin. Selon le document, ce haut fonctionnaire du ministère public serait impliqué dans l’exécution sommaire d’au moins 27 personnes, survenues entre 2022 et 2025, sans qu’aucune enquête judiciaire n’ait été ouverte à son encontre.
Des exécutions présentées comme des “actes de bravoure”
Le rapport décrit un mode opératoire alarmant. M. Muscadin, connu pour sa posture radicale face aux gangs, aurait mené personnellement plusieurs opérations létales contre des individus qu’il qualifiait de criminels présumés. Ces exécutions, souvent commises en plein jour et parfois filmées, auraient été justifiées publiquement comme des actions de “nettoyage social” ou des “mesures de défense communautaire”.
Le BINUH souligne que ces agissements constituent de graves violations des droits fondamentaux, notamment du droit à la vie et du principe de présomption d’innocence.
“Le rôle du commissaire du gouvernement est de faire appliquer la loi, non de s’y substituer”, rappelle l’organisme onusien, exhortant les autorités judiciaires à diligenter des enquêtes indépendantes et à garantir la reddition de comptes.
Un cas emblématique : l’exécution du 23 juillet 2025
L’un des incidents documentés par le rapport s’est produit le 23 juillet 2025, dans la commune de Miragoâne. Ce jour-là, le commissaire Muscadin aurait abattu de ses propres mains un homme armé, qu’il présentait comme un membre présumé de la coalition criminelle Viv Ansanm. La scène, filmée par plusieurs témoins, a provoqué une onde d’indignation, même si certains habitants ont salué son “courage”.
Cependant, le BINUH rappelle que ce type d’acte, aussi spectaculaire soit-il, renforce la culture de la violence et de l’impunité dans un contexte où les institutions judiciaires et policières peinent à fonctionner normalement.
L’impunité comme norme
Malgré la gravité des accusations, aucune sanction administrative ou judiciaire n’a été prise contre le commissaire Muscadin. Ce dernier continue d’exercer ses fonctions, jouissant, selon le rapport, d’un “sentiment de confort et de protection politique”.
Pour le BINUH, cette situation illustre l’effondrement de l’État de droit en Haïti, où certains agents publics opèrent en dehors de toute légalité, profitant du vide institutionnel et de l’absence de contrôle hiérarchique.
“Ces pratiques extrajudiciaires, perpétrées par des représentants de la justice, minent la confiance du public dans les institutions et alimentent la spirale de violence”, avertit le rapport.
Un appel à la responsabilité des autorités haïtiennes
Face à ces constats, le Bureau intégré des Nations Unies réitère son appel au gouvernement haïtien pour mettre fin à l’impunité des agents publics impliqués dans des violations graves des droits humains.
Le BINUH recommande également de renforcer les mécanismes de contrôle interne au sein du système judiciaire et d’assurer la protection des témoins et des victimes.
Alors que le pays traverse l’une des crises sécuritaires les plus graves de son histoire récente, cette affaire ravive le débat sur la dérive autoritaire de certains magistrats et sur le dilemme entre sécurité et respect de la loi.
“Haïti ne peut pas combattre la criminalité en piétinant la justice. La fin ne justifie pas les moyens”, conclut le rapport.

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