Par Jean Wesley Pierre
Sous le feu d’une tempête médiatique et politique inédite, François Bayrou, Premier ministre et maire de Pau, a amorcé un premier geste vers les victimes des violences sexuelles présumées à l’Institution Notre-Dame de Bétharram. Mercredi 12 février, il s’est entretenu au téléphone avec Alain Esquerre, le porte-parole du collectif des victimes. Une initiative qui intervient après plusieurs jours de mise en cause de son silence supposé, alors que les révélations autour du scandale secouent l’ensemble des Pyrénées-Atlantiques — et désormais, les plus hautes sphères de l’État.
L’appel téléphonique, révélé par ici Béarn Bigorre, marque un tournant symbolique. Jusqu’ici, François Bayrou était resté silencieux malgré l’avalanche de témoignages et de plaintes concernant les agressions sexuelles, physiques et psychologiques perpétrées pendant des décennies dans cet établissement catholique sous contrat, où plusieurs de ses enfants ont été scolarisés.
D’après les informations relayées, la discussion a porté sur les « moyens » que l’État pourrait mobiliser pour faire progresser l’enquête ouverte par le parquet de Pau en février 2024. Une enquête tentaculaire, qui recense désormais 112 signalements, dont 72 plaintes pour agressions ou viols, mettant en cause plus de 20 adultes, dans des faits s’étalant des années 1970 aux années 2000.
Pour Alain Esquerre, cet appel constitue une première reconnaissance. Mais il reste prudent : « François Bayrou connaissait les violences, c’est évident », a-t-il déclaré à franceinfo. Toutefois, il nuance : « Il ne connaissait peut-être pas le niveau de violence » dans l’établissement. Un de ses fils était dans la même classe qu’un enfant victime, gravement blessé par un surveillant.
Ce contexte alimente des soupçons d’omerta, voire de complicité passive. Dans un territoire où les réseaux d’influence catholiques et politiques restent puissants, les langues se sont tues pendant trop longtemps. « C’était difficile de parler chez les notables locaux », commente Esquerre. Le silence de Bayrou, jusqu’à présent, cristallisait cette chape de plomb.
Interpellé à l’Assemblée nationale par des députés de l’opposition, et mis en cause par les enquêtes de Mediapart, François Bayrou fait face à une pression croissante. Le porte-parole des victimes appelle le Premier ministre à faire des violences contre les enfants « une grande cause nationale », et à fournir des moyens supplémentaires à la justice locale, débordée par l’ampleur des signalements.
Il réclame également l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire et des investigations dans d’autres internats, estimant que « la déflagration ne fait que commencer ». Plusieurs témoignages récents, non prescrits, sont en cours de traitement.
Ce que révèle l’affaire Bétharram, au-delà de l’horreur des faits, c’est l’effondrement des mécanismes de protection au sein d’une institution qui bénéficiait d’un large crédit social. Que des responsables publics aient pu ignorer ou minimiser ces agissements interroge l’étanchéité entre responsabilité politique et proximité personnelle.
François Bayrou, à la tête du gouvernement, ne peut désormais plus se contenter d’un simple appel. Le symbole ne suffit plus. Il lui appartient de passer à l’action : reconnaître les faits, soutenir la vérité judiciaire et garantir que ce type de scandale ne soit plus jamais enterré au nom du silence ou de la réputation.
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