Bogotá/New York – Le président colombien Gustavo Petro s’apprête à franchir une étape diplomatique audacieuse : activer le mécanisme « Uniting for Peace » (Unis pour la paix) au sein de l’Assemblée générale des Nations unies. Objectif affiché : contourner l’impasse du Conseil de sécurité et permettre aux 193 États membres de voter l’envoi d’une force internationale de protection des Palestiniens, alors que la guerre à Gaza continue de provoquer un lourd bilan humain.
Un mécanisme exceptionnel de l’ONU
Créée en 1950, la résolution « Uniting for Peace » permet à l’Assemblée générale de recommander des actions collectives, y compris militaires, lorsqu’un blocage du Conseil de sécurité empêche de maintenir la paix et la sécurité internationales.
Historiquement, cette procédure a été utilisée lors de la guerre de Corée (1950) ou de la crise de Suez (1956). Elle ne possède pas la force contraignante d’une décision du Conseil, mais elle ouvre la voie à une légitimité politique mondiale, en contournant le droit de veto des membres permanents.
Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, où les États-Unis opposent régulièrement leur veto à des résolutions contraignantes, l’initiative colombienne apparaît comme l’un des rares leviers diplomatiques capables de briser l’inertie actuelle.
Petro, un président au profil singulier
Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, Gustavo Petro s’est imposé comme une voix singulière sur la scène internationale. Premier président de gauche de l’histoire colombienne, il défend une diplomatie « du Sud global », axée sur la défense des droits humains, la lutte contre le changement climatique et la remise en question de l’ordre géopolitique dominé par les grandes puissances.
En soutenant publiquement la cause palestinienne, Petro s’inscrit dans une tradition latino-américaine d’alignement critique face aux interventions militaires et aux inégalités internationales, tout en exposant son pays à des tensions avec Washington et Tel-Aviv.
Les enjeux d’un vote à l’Assemblée générale
Si la Colombie parvient à réunir une majorité simple des 193 membres, l’Assemblée pourrait adopter une résolution recommandant la création d’une force internationale de protection ou l’imposition d’un cessez-le-feu.
Une telle décision, même non contraignante, renforcerait la pression morale et diplomatique sur Israël et ses alliés. Elle pourrait également servir de base à des coalitions régionales prêtes à agir sous mandat collectif.
Toutefois, la mise en œuvre pratique d’une telle force financement, composition, règles d’engagement resterait soumise à des négociations complexes.
Un tournant pour la diplomatie du Sud
L’initiative de Petro dépasse le seul cadre israélo-palestinien. Elle incarne un mouvement plus large de contestation du monopole des grandes puissances sur les décisions de sécurité mondiale. Pour de nombreux pays du Sud, fatigués des blocages du Conseil de sécurité, ce mécanisme offre une tribune où chaque voix compte, indépendamment du droit de veto.
Entre symbole et réel impact
Reste à savoir si cette manœuvre aboutira à une action concrète ou si elle demeurera un geste symbolique. Les forces de maintien de la paix de l’ONU, même lorsqu’elles sont autorisées, dépendent du financement et du soutien logistique des grandes puissances, qui pourraient ralentir ou neutraliser toute initiative trop audacieuse.
Quoi qu’il en soit, en brandissant l’arme « Uniting for Peace », Gustavo Petro rappelle que la diplomatie n’est pas condamnée à l’impuissance, même face aux vétos répétés. Son pari : transformer une procédure rarement utilisée en outil de pression internationale, et redonner à l’Assemblée générale un rôle central dans la défense des populations civiles.
La rédaction
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