Par JWP
Sous les projecteurs de Managua, les Grenadiers ont fait plus que gagner : ils ont conquis. Jeudi soir, la sélection nationale haïtienne a livré une prestation d’une rare autorité, s’imposant 3 à 0 face au Nicaragua dans un match où tout respirait la maîtrise, la discipline et la maturité. Trois buts, trois signatures, et un message clair : Haïti ne veut plus être spectatrice du rêve mondial, elle veut en être l’actrice principale.
Une entame tranchante, un collectif en mission
Dès le premier quart d’heure, Haïti a donné le ton. Dans un silence tendu, Duckens Nazon, le « Duc », a ouvert le bal (12e) sur une combinaison limpide comme une leçon de football. Un but d’instinct et de précision, symbole d’une attaque libérée.
Le Nicaragua, dépassé, tente de réagir, mais se heurte à un bloc haïtien compact et parfaitement huilé. À la 35e minute, Danley Jean Jacques surgit dans la surface et double la mise d’une frappe sèche, célébrant avec rage un avantage mérité. La messe semblait dite, mais les Grenadiers avaient gardé une dernière étincelle pour la fin.
À la 90e+2, Louicius Don Deedson, sur un centre de Duke Lacroix mal repris par Frantzdy Pierrot, surgit et crucifie le portier adverse. 3-0, rideau. Une victoire nette, sans bavure, sans discussion.
Une défense en marbre, une leçon de rigueur
Si Haïti a brillé offensivement, c’est d’abord par la force de sa défense qu’elle a bâti son triomphe.
Le quatuor Lacroix – Duverne – Adé – Arcus a éteint chaque flamme adverse avec calme et précision.
Duke Lacroix, intenable sur son couloir gauche, a offert une passe décisive et une sérénité rare pour un défenseur latéral.
Jean-Kévin Duverne a dominé les airs, gagnant chaque duel comme un mur infranchissable.
Ricardo Adé, patron silencieux, a dirigé la ligne d’une main ferme, sobre mais efficace.
Carlens Arcus, infatigable, a couvert chaque mètre carré de terrain avant de céder sa place à Keeto Thermoncy dans le temps additionnel.
Une performance collective notée 9/10 pour cette muraille haïtienne, qui a réduit le Nicaragua au silence, même quand le stade a voulu se muer en volcan.
Bellegarde, le cerveau du jeu, le rythme dans la peau
Dans l’ombre du score, il y a eu la lumière de Jean-Ricner Bellegarde. Le numéro 10 haïtien a orchestré le milieu de terrain comme un maestro dirige un orchestre. Vision, toucher, tempo tout passait par lui. Il ne court pas, il glisse, il anticipe, il pense avant les autres.
À ses côtés, Josué Casimir, infatigable récupérateur, a été le poumon de l’équipe, tandis que Danley Jean Jacques s’est transformé en buteur d’appoint. Ruben Providence, lui, a mis le feu sur son aile avant de céder sa place à Derrick Étienne Jr (67e).
Ce milieu à trois, équilibré et intelligent, a tout verrouillé : le cœur du jeu et l’âme du match.
Une victoire au goût de revanche et de fierté
Mais cette victoire ne s’est pas gagnée uniquement sur le terrain. À Managua, les conditions de jeu ont flirté avec la provocation. Les Haïtiens ont dû supporter le vacarme des bulldozers venus troubler leur sommeil la veille du match, et même une coupure d’électricité en plein jeu.
« Yo vini ak bouldozè nan mitan lannwit pou deranje somèy nou, epi yo fè blakawout pandan match la… Men nou pran twa pwen an nèt », raconte avec ironie Ralph Ganthier, journaliste haïtien.
Un environnement hostile, mais rien n’a suffi à faire trembler les Grenadiers. Ils ont gardé la tête froide, la foi haute et le ballon au pied.
Les félicitations du sommet de l’État
Peu après le coup de sifflet final, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a tenu à saluer la performance de la sélection nationale :
« Cette victoire reflète le courage et la détermination de nos Grenadiers. Le pays tout entier est fier de vous. Continuez à nous faire rêver. »
Un message simple, mais chargé de sens pour un peuple souvent meurtri, qui retrouve à travers son équipe nationale un rare moment d’unité et de joie.
Haïti, leader du groupe C : l’espoir devient calculable
Avec 5 points au compteur, Haïti prend la tête du groupe C, devant le Honduras (5 points également mais une moins bonne différence de buts). La Costa Rica suit avec 3 points, tandis que le Nicaragua ferme la marche avec un seul.
Et pendant que le classement s’équilibre, Duckens Nazon se rapproche d’un record historique : avec 44 buts en sélection, il n’est plus qu’à trois réalisations du mythique Emmanuel Sanon (47). Le Duc n’est plus seulement un buteur : il écrit l’histoire.
Une équipe qui grandit, un rêve qui prend forme
Au-delà du score, cette victoire marque un tournant. Le jeu des Grenadiers respire la maturité, l’intelligence tactique et la solidarité. Cette équipe ne se contente plus de défendre son honneur, elle défend une ambition : celle de participer à la Coupe du Monde 2026.
Haïti n’a pas seulement gagné un match à Managua. Elle a envoyé un signal.
Celui d’un pays qui, malgré le chaos, continue de croire, de lutter, de rêver.
Score final : Nicaragua 0 – 3 Haïti
Buteurs : Nazon (12’), Jean Jacques (35’), Louicius (90’+2)
Trois buts, une fierté, une nation en éveil. 🇭🇹⚽️
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