Par Jean Wesley Pierre
Une rencontre d’importance s’est tenue ce vendredi 9 mai 2025 à Port-au-Prince entre le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, plusieurs ministres du Gouvernement, ainsi que des représentantes de l’UNESCO et d’ONU Femmes Haïti. À l’ordre du jour : l’organisation du référendum constitutionnel et des prochaines élections générales, dans un contexte national marqué par une insécurité chronique, une crise institutionnelle persistante et une méfiance profonde entre la population et les autorités.
Face à ces défis, le Gouvernement affirme vouloir jouer la carte de l’inclusion. « Nous cherchons à impliquer toutes les composantes de la société haïtienne dans le processus électoral », a déclaré le Premier ministre haïtien lors de cette réunion. Il a également réitéré l’engagement de son Gouvernement à rétablir un climat de sécurité et de stabilité, conditions sine qua non à la tenue d’élections libres, transparentes et démocratiques.
Si cette volonté politique affichée peut sembler encourageante, les militantes et militants des droits humains restent sur leurs gardes. Car dans un pays où les violences basées sur le genre, les exclusions structurelles et les inégalités systémiques continuent de peser lourdement sur la participation citoyenne, en particulier celle des femmes et des jeunes, le chemin vers des élections réellement démocratiques ne peut passer que par une transformation profonde des pratiques.
« L’inclusion ne doit pas être un simple mot à la mode. Elle doit être pensée, construite et mise en œuvre concrètement », déclare une militante féministe présente à la rencontre, sous couvert d’anonymat. « La présence de représentantes d’ONU Femmes et de l’UNESCO est un signal positif, mais les engagements doivent se traduire par des politiques concrètes : protection des femmes candidates, quotas de représentativité, accès équitable aux financements de campagne, et lutte effective contre les violences électorales genrées. »
Alors que certaines zones du pays échappent encore au contrôle de l’État et que les violences armées font rage, beaucoup s’interrogent sur la faisabilité même d’un scrutin national crédible. Les communautés marginalisées, les femmes vivant dans les quartiers populaires, les personnes LGBTQ+, les personnes handicapées — toutes sont particulièrement exposées à l’exclusion politique.
Dans ce contexte, toute organisation électorale qui ne s’accompagnerait pas d’un mécanisme rigoureux de sécurisation, de sensibilisation et de justice sociale risquerait de reproduire les fractures historiques du système politique haïtien.
Le moment exige plus que des promesses : il appelle à une refondation du contrat social. Pour qu’Haïti sorte du cycle de crises et de violences, les élections ne peuvent être vues comme une simple formalité institutionnelle. Elles doivent devenir un levier de transformation sociale, de réappropriation citoyenne et de justice de genre.
Les organisations de la société civile, les mouvements féministes et les défenseurs des droits humains doivent être non seulement consultés, mais dotés d’un réel pouvoir d’action et de veille sur tout le processus électoral. Sans cela, la démocratie restera un mot creux pour la majorité des Haïtiennes et Haïtiens.
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