Lawouze Info

IMG-20250505-WA0618.jpg

Par Jean Wesley Pierre

Ce dimanche 4 mai, à Gran Ravin, au cœur de Port-au-Prince, une opération d’envergure a été menée par les forces de l’ordre, marquant une rare offensive frontale contre l’un des fiefs les plus redoutés de l’aire métropolitaine. Selon Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), au moins 17 bandits ont été tués et une quarantaine d’autres blessés lors de cette intervention musclée. Cinq drones kamikazes ont été déployés dans la zone contrôlée par le chef de gang notoire, « Ti Lapli », causant des dégâts considérables dans les installations de ce groupe armé.

Ces frappes, inédites par leur intensité et leur technologie, montrent que l’État haïtien, souvent accusé de passivité ou de complicité face à la criminalité organisée, dispose encore de moyens pour affirmer son autorité. Mais il faut aller plus loin. L’utilisation de drones létaux, si elle peut impressionner, ne saurait se substituer à une stratégie globale, cohérente et respectueuse des droits humains.

Pierre Espérance, figure respectée dans la lutte pour la justice et la transparence, a salué l’opération tout en appelant à une meilleure coordination entre les différentes branches de la sécurité nationale. Il a également exhorté les autorités à maintenir la pression sur les groupes armés, sans verser dans une logique de représailles ou de guerre aveugle.

L’attaque de Gran Ravin doit être lue comme un signal : celui d’un État qui, acculé, tente de reprendre la main. Mais soyons lucides : une frappe, aussi spectaculaire soit-elle, ne suffit pas à démanteler un réseau criminel enraciné dans des décennies de complicité politique, de misère sociale et d’impunité chronique.

Les gangs prospèrent parce qu’ils remplissent, dans plusieurs quartiers, des fonctions que l’État a désertées : justice sommaire, aide humanitaire, sécurité clanique. Tant que ces vides ne seront pas comblés par des institutions légitimes, capables et proches de la population, chaque victoire militaire ne sera qu’un répit.

Le combat pour la sécurité ne peut être mené efficacement si des secteurs de l’élite politique et économique continuent de pactiser avec les forces de déstabilisation. Le peuple haïtien ne sera véritablement libre que lorsque les dirigeants apatrides, qui marchandent notre souveraineté contre des gains personnels, seront mis hors d’état de nuire.

C’est pourquoi cette opération ne doit pas être récupérée à des fins de propagande. Elle doit s’inscrire dans une dynamique plus large : désarmement, justice, reconstruction institutionnelle, et surtout, réappropriation du territoire par les citoyens eux-mêmes.

Il est temps que la République d’Haïti définisse une doctrine de sécurité fondée sur le respect des droits humains, la reddition de comptes, et une implication active des communautés locales. Les drones peuvent éliminer des cibles, mais seule une politique de sécurité humaine, enracinée dans la justice sociale et la démocratie participative, viendra à bout de l’économie de la violence.

L’heure est grave, mais elle n’est pas désespérée. Ce dimanche 4 mai pourrait devenir un tournant – si et seulement si nous décidons de bâtir une Haïti où la sécurité n’est pas un privilège, mais un droit inaliénable.

Catégories : Atualités

0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *