L’Assemblée nationale française a adopté, ce jeudi 5 juin 2025, une résolution symbolique appelant le gouvernement à étudier la restitution de la « double dette » imposée à Haïti en 1825, après son indépendance.
Initiée par le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), la proposition a été approuvée par 53 députés, contre 9, issus majoritairement du Rassemblement national (RN) et de l’Union de la droite républicaine (UDR).
Bien qu’elle ne soit pas juridiquement contraignante, la résolution marque une avancée politique et mémorielle. Elle encourage la reconnaissance publique des injustices coloniales, l’évaluation de leurs conséquences sur le développement d’Haïti, ainsi que l’examen de mesures de réparation. Le texte recommande également la création d’une commission indépendante chargée de soutenir les démarches mémorielles et les initiatives de justice réparatrice entre la France et Haïti.
La « double dette » fait référence à l’indemnité de 150 millions de francs-or (réduite à 90 millions en 1838), exigée par la France en 1825 pour compenser les colons français après l’indépendance d’Haïti. Sous la menace militaire, Haïti fut contrainte de contracter des emprunts à des taux exorbitants auprès de banques françaises, s’enfonçant ainsi dans un endettement prolongé jusqu’en 1952.
Face à la persévérance et à la détermination de membres de la diaspora haïtienne en France, les mobilisations et les revendications en faveur d’une restitution se sont multipliées ces dernières années. Ces pressions ont contribué à faire progresser le débat, aboutissant à certaines avancées sur cette question historique.
Selon la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME), cette dette représente un double fardeau : l’indemnité versée à la France et les emprunts contractés pour la financer. Ce poids aurait durablement fragilisé l’économie haïtienne, avec des conséquences encore visibles aujourd’hui.
En avril 2025, le président Emmanuel Macron a annoncé la création d’une mission de mémoire conjointe entre la France et Haïti, sans toutefois se prononcer sur une éventuelle restitution financière. Pour de nombreux responsables haïtiens et militants anticolonialistes, cette reconnaissance demeure incomplète tant qu’aucune réparation concrète n’est envisagée.
Ce débat remonte à plusieurs décennies. En 2003, le président haïtien Jean-Bertrand Aristide avait estimé cette dette historique à 21,7 milliards de dollars, relançant les revendications internationales en faveur de réparations postcoloniales. Lors des débats à l’Assemblée, le ministre délégué à la Francophonie a exprimé une ouverture prudente, tandis que le RN a mis en garde contre les « risques de précédent » qu’une restitution pourrait entraîner. Malgré son caractère symbolique, cette résolution constitue une étape importante vers la reconnaissance officielle de la dette historique de la France envers Haïti.
Lawouze Info
0 commentaire