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Port-au-Prince, août 2025 – Jean Wesley Pierre

La nomination d’André Jonas Vladimir Paraison comme Directeur Général a.i. de la Police nationale d’Haïti (PNH) ce vendredi 8 août 2025, intervient dans un climat où l’État, exsangue et décrédibilisé, cherche désespérément à convaincre la population qu’il a encore les moyens d’agir. Ce remaniement, annoncé en grande pompe par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), sonne comme un nouvel épisode dans une longue série de changements de visages… sans changement de cap.

L’héritage lourd de Normil Rameau

Normil Rameau, débarqué après un mandat d’un peu plus d’un an, laisse derrière lui une institution affaiblie et une capitale en miettes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au moins 64 policiers tués sous son mandat, plusieurs commissariats incendiés ou abandonnés, et une expansion quasi incontrôlée du contrôle territorial par des gangs armés. Les promesses de « tolérance zéro » sont restées lettre morte, rappelant tristement que son précédent passage (2019–2020) avait déjà été marqué par les mêmes failles.

Le Conseil Présidentiel : un navire à la dérive

Depuis son installation, le CPT n’a produit que des annonces, rarement suivies d’effets concrets. L’état d’urgence décrété dans l’Ouest, l’Artibonite et le Centre sonne comme un énième signal d’alarme. Mais décréter l’urgence ne suffit pas : il faut la gérer. Et jusqu’ici, les résultats tardent, voire n’arrivent pas.

La présidence de Laurent Saint-Cyr semble engluée dans les mêmes travers que les régimes précédents : communication brillante, promesses ambitieuses, mais actions timides, incohérentes ou sabotées par les intérêts de clans politiques et économiques.

La nomination de Vladimir Paraison : symbole ou solution ?

Vladimir Paraison, ancien chef de la garde du Palais national, arrive blessé à la jambe, dans un contexte où la (PNH) police nationale haïtienne est minée par un déficit criant de moyens, de formation et de confiance interne. Son discours martial – « Mwen p’ap dòmi, nou menm polisyè, polisye pa dwe dòmi » séduit par sa fermeté, mais la population haïtienne est lasse des promesses de fermeté qui se heurtent à la réalité d’un appareil sécuritaire sous-équipé et infiltré.

Sans une réforme structurelle, un financement conséquent et une volonté politique claire de s’attaquer aux collusions entre élites politiques, économiques et criminelles, ce changement risque de ne produire qu’un effet cosmétique.

La crise de l’insécurité : miroir de l’échec de l’État

La nomination de Paraison ne peut masquer le fond du problème : l’État haïtien a perdu le contrôle de larges portions de son territoire. La peur est devenue la norme. Les gangs dictent la loi, déplacent des milliers de familles, paralysent l’économie et infiltrent les institutions.

Le drame est que la crise sécuritaire n’est pas seulement une question de police : elle est sociale, économique et politique. Tant que le chômage massif, l’exclusion sociale, la misère urbaine et rurale, et l’absence de perspectives continueront d’alimenter les rangs des groupes armés, la (PNH) police nationale haïtienne sera en situation défensive permanente.

Communication politique et réalité du terrain

Les discours enflammés du CPT et les cérémonies officielles peinent à dissimuler un constat brutal : le pouvoir parle davantage qu’il n’agit. Les annonces répétées de « reconquête du territoire » se heurtent à un appareil d’État éclaté, un manque de coordination interinstitutionnelle, et une corruption qui gangrène la chaîne de commandement.
Dans ce contexte, chaque nouveau directeur de la PNH est présenté comme « l’homme de la situation »… jusqu’à ce que l’échec devienne évident et qu’un autre visage vienne prendre la relève.

Un pays en apnée !!!

La population vit dans un état d’alerte permanent, entrecoupé de brefs moments de calme trompeur. À deux heures du matin, Port-au-Prince peut sembler silencieuse, mais ce n’est pas la paix : c’est une trêve précaire, observée autant par peur que par fatigue. Ceux qui veillent, souvent dans l’ombre, savent que la prochaine déflagration n’est qu’une question de temps.

L’urgence d’une refondation…

Changer un chef de police sans refonder l’institution, décréter l’état d’urgence sans en avoir les moyens opérationnels, multiplier les communiqués sans offrir de résultats tangibles : voilà les symptômes d’un État qui joue sa survie sur le terrain de la communication plutôt que dans l’action.

Le pays n’a pas seulement besoin d’un directeur général énergique, mais d’une vision nationale, d’un pacte politique et social capable de briser le cycle de violence et de défiance. Sans cela, la nomination de Vladimir Paraison, comme tant d’autres avant lui, risque d’être une page vite tournée dans le livre déjà lourd des désillusions haïtiennes.

Catégories : Opinion

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