Par la rédaction de Lawouze Infos
Port-au-Prince, 8 novembre 2025 —
Les États-Unis ont une nouvelle fois réaffirmé leur engagement à lutter contre le trafic illicite d’armes à destination d’Haïti, une pratique qui alimente depuis plusieurs années la spirale de violence dans le pays.
Selon le Chargé d’Affaires américain Henry Wooster, plus de 23 000 armes à feu, ainsi que d’importantes quantités de munitions, d’argent liquide et de drogues, ont été saisies depuis le début de l’année 2025 dans le cadre d’opérations conjointes menées par les autorités américaines.
Une déclaration qui met en lumière un réseau tentaculaire
Lors d’une récente prise de parole, l’Ambassadeur Henry Wooster a insisté sur la nécessité d’une coopération régionale accrue pour enrayer ce trafic transnational :
“La coopération entre tous les pays concernés est essentielle pour réduire l’entrée d’armes, de munitions et de drogue en Haïti.”
Cette déclaration intervient alors que les forces de l’ordre haïtiennes peinent à contenir l’expansion des groupes armés, dont la puissance de feu ne cesse de croître.
Les États-Unis, principal point de départ des armes illégales vers Haïti — notamment via la Floride et les îles voisines des Caraïbes —, reconnaissent leur rôle central dans la lutte contre cette économie criminelle transnationale.
Des chiffres qui en disent long
Les 23 000 armes saisies témoignent de l’ampleur du commerce clandestin qui relie directement le marché noir américain aux réseaux criminels haïtiens.
Les routes maritimes entre Miami, Fort Lauderdale, Nassau et les ports haïtiens de Port-au-Prince, Miragoâne ou Cap-Haïtien sont fréquemment utilisées par les trafiquants.
Souvent dissimulées dans des conteneurs de marchandises ou des cargaisons humanitaires falsifiées, les armes parviennent à contourner les contrôles douaniers grâce à des complicités locales et à la faiblesse du dispositif de surveillance portuaire.
Selon plusieurs rapports du Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et du Conseil de sécurité, ces flux illicites alimentent directement les gangs qui contrôlent désormais plus de 80 % de la capitale.
Un enjeu géopolitique majeur pour Washington
La lutte contre le trafic d’armes vers Haïti s’inscrit pour Washington dans une stratégie plus large de stabilisation régionale.
Les États-Unis redoutent en effet que la crise sécuritaire haïtienne ne déborde vers les îles voisines et n’alimente des réseaux criminels caribéens impliqués dans le trafic de drogue, la contrebande et la traite humaine.
L’administration américaine soutient déjà plusieurs initiatives, dont :
1. le renforcement de la surveillance douanière à travers l’Homeland Security Investigations (HSI) ;
2. des formations spécialisées pour la Police nationale d’Haïti (PNH) ;
3. et la coopération logistique dans le cadre de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS), dirigée par le Kenya sous mandat onusien.
Ces efforts visent à assécher les canaux d’approvisionnement des groupes armés, mais leur efficacité demeure limitée tant que le contrôle territorial de l’État haïtien reste fragmenté.
Une lutte à deux vitesses : diplomatie et impuissance locale
Malgré les annonces récurrentes de coopération, le trafic d’armes continue d’alimenter une économie criminelle florissante au cœur de la crise haïtienne.
Pour les experts, le problème ne se limite pas aux flux venant des États-Unis : il s’agit d’un système complet, mêlant corruption institutionnelle, complicités douanières et demande croissante en armement de la part des gangs.
Un ancien officier de police confie à Lawouze Infos :
“Tant qu’il n’y aura pas de sanctions réelles contre les acteurs haïtiens impliqués dans ces trafics, les armes continueront d’entrer. C’est un commerce aussi lucratif que la drogue.”
Cette réalité explique en partie pourquoi les interventions extérieures, même bien intentionnées, peinent à produire des effets durables : les armes saisies aux États-Unis sont remplacées par d’autres, souvent issues du même circuit parallèle.
La coopération internationale à l’épreuve du réel
L’appel du diplomate américain à une coopération régionale renforcée est donc un signal politique important, mais il pose aussi la question du suivi concret des engagements.
Si les États-Unis affichent une volonté claire d’agir, Haïti manque toujours des moyens techniques et institutionnels pour tracer les flux d’armes, identifier les réseaux et poursuivre les auteurs.
Sans un renforcement des institutions judiciaires haïtiennes, la sécurisation des ports et des aéroports, et une lutte contre la corruption au sein des douanes, le pays restera un marché ouvert pour les trafiquants.
Entre promesse de coopération et urgence nationale
L’annonce d’Henry Wooster s’inscrit dans la continuité du soutien américain à la stabilisation d’Haïti, mais elle révèle aussi les limites d’une approche extérieure sans transformation interne.
La question du trafic d’armes, au-delà de son aspect sécuritaire, symbolise l’échec structurel de l’État à contrôler son territoire, protéger ses frontières et imposer son autorité.
Tant que ces failles subsisteront, les armes continueront d’arriver et avec elles, la violence qui maintient le pays dans une spirale sans issue.

0 commentaire