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Par Jean Wesley Pierre

Si, au départ, c’était NON, mais que cela devient OUI sous la contrainte, alors je considère cela comme un viol, affirme une jeune haïtienne de 26 ans vivant dans les provinces du pays. En Haïti, les articles 280, 298 et 299 du Code pénal traitent du viol et d’autres formes d’agressions sexuelles. Pourtant, une absence choquante y demeure : le mot “consentement” n’y figure nulle part. Ce vide juridique est bien plus qu’un oubli technique. C’est le reflet d’un désintérêt cynique de l’État haïtien face à la souffrance des femmes, et d’une société qui banalise l’inacceptable.

Philosophiquement, le consentement est un acte libre, éclairé et volontaire. Emmanuel Kant affirmait que l’être humain ne doit jamais être utilisé comme un simple moyen, mais toujours comme une fin en soi. Quand une femme dit “NON”, passer outre n’est pas un malentendu : c’est un crime.

Juridiquement, dans les pays qui se respectent, le consentement est au cœur du droit pénal sexuel. Mais en Haïti, l’État continue de traiter la question comme un détail. Il punit le viol, mais sans en définir clairement les contours, laissant à la victime le poids d’un combat juridique souvent vain. Cette absence alimente une impunité qui profite aux agresseurs.

Comme le disait Phumzile Mlambo-Ngcuka, ancienne directrice exécutive d’ONU Femmes :

> « Le consentement n’est pas une option. C’est une obligation. La justice commence par le respect des limites de chacun. »

Dans un témoignage révélateur, un jeune homme sous couvert d’anonymat affirme que certaines femmes « font du caprice », qu’elles veulent mais qu’il faut les “convaincre”. Ce discours, tragiquement banal, illustre la culture du viol profondément ancrée dans notre société. Ce n’est pas de la séduction, c’est une stratégie de domination, une violence normalisée.

Michelle Bachelet, ancienne Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le rappelle avec justesse :

> « Les violences sexuelles ne sont jamais le résultat du désir. Elles sont toujours une démonstration de pouvoir, de contrôle et de mépris envers la dignité humaine. »

Dans les foyers, les églises, les écoles, la femme haïtienne est encore souvent perçue comme une propriété. Cette mentalité moyenâgeuse est reproduite sans vergogne par des institutions d’État incapables de jouer leur rôle de protection.

La sociologue haïtienne Danièle Magloire tire la sonnette d’alarme :

> « En Haïti, les violences basées sur le genre sont souvent banalisées, même dans le droit. Pourtant, c’est la dignité humaine de millions de femmes qui est en jeu. »

Le silence du droit haïtien sur le consentement n’est pas neutre. C’est une complicité. Lorsque la loi se tait, les bourreaux prospèrent. Lorsqu’aucune politique publique sérieuse n’est mise en place pour éduquer, sensibiliser, accompagner les victimes, l’État devient coauteur de cette violence.

Nadine Mondestin, militante féministe haïtienne, le souligne :

> « Le consentement est un droit fondamental. L’absence de violence ne signifie pas qu’il y a accord. Il faut déconstruire les mythes et responsabiliser les hommes. »

Il est inacceptable que dans un pays qui se targue d’avoir combattu pour la liberté, les corps des femmes soient encore réduits au silence ou à la servitude sexuelle. Les autorités ferment les yeux, pendant que des milliers de femmes vivent l’humiliation, la peur, la honte, sans aucun recours.

Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme, chaque personne a droit à la liberté, à la sécurité et à la dignité. Ces principes sont trahis chaque jour en Haïti. Comme le rappelle le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres :

> « La violence à l’égard des femmes et des filles est une crise mondiale. Il est temps de transformer les normes sociales et culturelles qui la permettent. »

Mais ici, rien ne change. Nos institutions sont faibles, lâches, et parfois complices. Les femmes sont abandonnées, souvent blâmées, parfois même ridiculisées par le système censé les protéger.

Aux hommes haïtiens : vous n’êtes pas des prédateurs. Vous avez le choix. Vous avez la responsabilité. Il est temps de déconstruire les schémas toxiques transmis depuis des générations.

Simone de Beauvoir écrivait :

> « Le corps n’est pas une chose, c’est une situation. »

Respecter le corps d’autrui, c’est reconnaître son humanité. Le “NON” doit être écouté. Le “OUI” doit être libre et sans contrainte. Et tout le reste, ce n’est pas de l’amour, c’est une agression.

L’égalité ne se proclame pas. Elle se construit par l’éducation, la réforme du droit, le courage politique, et surtout, par un changement profond de mentalité. Une société qui accepte le viol comme un mal mineur est une société en faillite morale, comme le rappel souvent les membres de la KOMINOTE PWOGRESIS AYISYEN ( KPA ) en prônant une éducation mieux adaptée à la société haïtienne, à nos mœurs, notre culture et nos valeurs.

Il est temps de bâtir une Haïti où chaque être humain est respecté dans sa dignité et sa liberté. Cela commence par une vérité simple :
Le seul “OUI” qui compte est celui donné librement, sans peur, sans pression, et sans ambiguïté.

Catégories : Opinion

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