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Le lundi 1er septembre 2025 a offert une nouvelle démonstration de la faillite sécuritaire en Haïti. Dans une vidéo devenue virale, le chef de gang Krisla, qui contrôle Ti Bwa, Carrefour et plusieurs zones avoisinantes, a circulé en cortège d’une douzaine de véhicules dans les rues de Port-au-Prince. Plus troublant encore : quelques minutes avant son passage, des véhicules blindés de la police, postés sur ces mêmes axes routiers, avaient mystérieusement quitté les lieux.

Ce spectacle a confirmé ce que de nombreux analystes répètent depuis des années : l’État haïtien n’est pas seulement défaillant, il fonctionne comme complice d’un système où les gangs jouent un rôle central.

Une continuité historique

Ce n’est pas la première fois que le pouvoir en Haïti s’appuie sur la violence armée pour contrôler la population. Sous François Duvalier, les Tontons Macoutes constituaient une milice au service du régime, semant la terreur dans les quartiers populaires. Dans les années 1990 et 2000, les chimè étaient utilisés par certains dirigeants pour imposer leur autorité dans les zones urbaines, en échange d’argent, d’armes et d’impunité.

Aujourd’hui, les groupes comme ceux de Krisla, Izo ou Vitelhomme perpétuent cette tradition : ils sont les nouveaux « bras armés » d’un État qui préfère déléguer la terreur plutôt que rétablir la justice et la sécurité.

Une stratégie de domination

L’étrange retrait des blindés avant la parade du chef de gang ne peut être lu comme une simple coïncidence. Cela révèle une stratégie : laisser prospérer le désordre pour mieux contrôler la société. Un peuple terrorisé, déplacé et appauvri n’a plus la force de réclamer des comptes à ses dirigeants. L’insécurité devient alors une arme politique, autant qu’un outil de prédation économique pour les élites corrompues.

Des parallèles internationaux inquiétants

Haïti n’est pas un cas isolé. Le même schéma s’observe ailleurs :

1- Au Mexique, certains cartels paradent en plein jour, parfois escortés par des forces de l’ordre corrompues.

2- En République Démocratique du Congo, des milices circulent librement malgré la présence d’une armée nationale et de forces internationales.

3- En Colombie des années 1980-1990, les cartels ont imposé leur loi grâce à un mélange de violence et de complicité politique.

Dans chacun de ces contextes, la frontière entre criminalité organisée et institutions officielles s’efface au détriment de la population. Haïti suit aujourd’hui cette trajectoire.

Trois visages d’une même violence

Le citoyen haïtien est pris dans un étau formé par trois violences :

A- Les gangs, qui imposent leur domination territoriale.

B- Les forces de l’ordre, qui oscillent entre brutalité, raquette et passivité.

C- Les autorités politiques, qui exploitent le chaos comme instrument de contrôle.

Cette triple oppression alimente les déplacements massifs de population, la misère dans les camps, et l’effritement d’un tissu social déjà fragilisé.

Le prix de la complicité

Laisser défiler un chef de gang au grand jour est plus qu’une humiliation pour l’État : c’est l’aveu d’un pacte tacite entre dirigeants et criminels. Ce pacte transforme la violence en mode de gouvernance, et condamne la société haïtienne à vivre dans un cycle permanent de peur, de fuite et de survie.

Tant que ce système ne sera pas brisé, il sera illusoire de parler de « lutte contre l’insécurité ». Les blindés pourront toujours s’éclipser, les gangs continueront de défiler, et l’État restera un acteur central de la tragédie.

Catégories : Politique

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