Par la rédaction de Lawouze
Port-au-Prince, 9 novembre 2025 — Une vive controverse secoue les réseaux sociaux et le milieu institutionnel après un échange tendu entre le ministre de la Santé publique et de la Population (MSPP), Sinal Bertrand, et la société Rhum Barbancourt, à la suite d’un message critique publié par cette dernière sur l’état du système de santé haïtien.
La discussion a éclaté dans un contexte dramatique : la mort par balles d’un employé de Barbancourt, victime d’une attaque de bandits armés. Dans une note officielle diffusée sur les réseaux sociaux, la direction de l’entreprise a dénoncé la dégradation de la sécurité publique, mais aussi le quasi-effondrement du système sanitaire, soulignant que « le droit à la santé et à la vie semble désormais illusoire en Haïti ».
Une réaction ministérielle controversée
En réponse, le ministre Sinal Bertrand a tenu des propos qui ont immédiatement suscité l’indignation d’une large partie de l’opinion publique.
« Fabriquer de l’alcool n’est pas la même chose que prodiguer des soins hospitaliers », a-t-il déclaré, en semblant tourner en dérision la prise de position de l’entreprise.
Le ministre a poursuivi en affirmant que plusieurs hôpitaux avaient reçu et soigné des personnes “ayant pris deux cartouches par balle”, une phrase jugée maladroite et insensible par de nombreux internautes.
Ces déclarations, diffusées en ligne et relayées par plusieurs médias, ont été perçues comme une moquerie déplacée face à une situation de crise nationale où la violence armée et la faillite des services publics aggravent la détresse des citoyens.
Barbancourt, une entreprise socialement engagée
Fondée en 1862, la société Barbancourt, fleuron de l’industrie haïtienne du rhum, s’est aussi distinguée ces dernières années par son engagement philanthropique.
L’entreprise a soutenu plusieurs institutions médicales, notamment l’Hôpital Universitaire de Mirebalais, l’Hôpital Bernard Mevs et d’autres structures publiques et privées. Ces contributions ont permis l’achat d’équipements, la formation de personnel et l’appui à des programmes de soins d’urgence.
Pour beaucoup d’observateurs, la réaction du ministre apparaît d’autant plus inappropriée que l’entreprise a souvent joué un rôle de substitution à l’État dans certains domaines sociaux, en soutenant l’éducation, la santé et la culture.
Un débat révélateur d’un malaise plus profond
Au-delà de l’échange verbal, cette polémique met en lumière le climat de tension croissant entre l’État haïtien et le secteur privé, dans un pays où l’insécurité et la paralysie des institutions mettent à rude épreuve la cohésion nationale.
Les propos de M. Bertrand sont interprétés par certains analystes comme le symptôme d’une communication gouvernementale défaillante, où la critique publique est souvent perçue comme une attaque politique. D’autres estiment que cette réaction traduit une sensibilité exacerbée du pouvoir face à des remarques venant d’acteurs économiques influents.
Silence officiel et réactions citoyennes
À l’heure actuelle, ni le gouvernement ni le MSPP n’ont publié de communiqué officiel pour clarifier ou nuancer les propos du ministre.
Sur les réseaux sociaux, les réactions sont massivement hostiles à Sinal Bertrand, accusé de manquer d’empathie et de dénigrer une entreprise nationale respectée. Plusieurs figures de la société civile appellent à plus de retenue et de respect du dialogue citoyen.
Cette affaire, née d’un drame humain, illustre la fracture entre un État affaibli et une société civile de plus en plus vocale.
Dans un pays miné par la violence et la crise humanitaire, les appels à la responsabilité collective et au respect mutuel devraient primer sur les piques verbales.
Le différend entre le ministre de la Santé et la société Barbancourt dépasse une simple querelle de mots : il révèle la profonde défiance entre les institutions publiques et le secteur privé dans la gestion du bien commun.
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