Par Jean Wesley Pierre
Le lundi 16 juin 2025, le monde entier a été témoin d’un événement d’une violence hautement symbolique et moralement révoltante : l’armée israélienne a ciblé, en pleine diffusion, le siège de la télévision d’État iranienne IRIB à Téhéran. En une fraction de seconde, la frontière entre guerre militaire et guerre psychologique a été réduite en poussière sous les gravats d’un studio de presse.
Cette attaque constitue, à tous égards, une violation flagrante du droit international humanitaire. L’article 79 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève protège expressément les journalistes civils en temps de guerre. IRIB, aussi contestée soit-elle, n’était pas un objectif militaire direct. Les civils qui y travaillaient n’étaient pas des soldats, mais des journalistes, des techniciens, des voix humaines tentant d’exister dans un espace autoritaire.
Israël, avec le soutien matériel et diplomatique inconditionnel des États-Unis, mène une guerre qui ne dit pas son nom : une guerre d’anéantissement contre les structures étatiques iraniennes. Des frappes ont visé des centres de commandement, des installations nucléaires à Natanz, des universités, et désormais des infrastructures médiatiques. Téhéran est sous les bombes. Gaza est sous les ruines. La région entière vacille.
Ce conflit ne résulte pas d’un engrenage “incontrôlé”, mais d’une stratégie planifiée d’escalade. En ciblant les plus hauts responsables militaires iraniens, Israël cherche à décapiter la hiérarchie stratégique de la République islamique. Selon Reuters, des proches du Guide suprême Ali Khamenei ont été tués, créant un vide politique potentiellement explosif.
L’attitude des États-Unis, sous Donald Trump, constitue une trahison de la Charte des Nations Unies. Plutôt que de jouer un rôle de médiateur impartial, Washington agit comme chef d’orchestre d’une croisade belliqueuse. Le président Trump, parlant depuis le G7, affirme sans détour : « L’Iran ne gagne pas la guerre. » Il enjoint la République islamique à capituler sans conditions, tout en revendiquant un “contrôle total du ciel iranien”.
Ce langage n’est pas celui d’un dirigeant soucieux de paix. Il est celui d’un hégémon, qui entend écraser toute alternative à son ordre mondial. En soutenant Israël militairement, financièrement et moralement, les États-Unis se rendent coupables d’une politique du “deux poids, deux mesures” : le droit international devient un outil à géométrie variable, utilisé pour condamner les ennemis, jamais les alliés.
Le Portugal ferme son ambassade à Téhéran. L’Allemagne menace l’Iran, tout en reconnaissant que seule une coalition peut “détruire totalement le programme nucléaire iranien”. Ces déclarations montrent l’alignement progressif de l’Union européenne sur l’agenda israélo-américain.
Ce silence complice ou ces condamnations biaisées montrent à quel point l’Occident a cessé d’être un acteur neutre dans les conflits internationaux. Il ne suffit plus de dénoncer les violations des droits humains en Iran ou en Russie, si on reste aveugle lorsque l’allié israélien tue des journalistes, détruit des hôpitaux à Gaza, ou bombarde des civils à Téhéran.
Que ce soit à Gaza, à Tel-Aviv ou à Téhéran, ce sont toujours les populations civiles qui paient le prix fort. Selon les autorités iraniennes, les frappes israéliennes auraient déjà causé plus de 200 morts en Iran, dont une écrasante majorité de civils. Le ciblage des infrastructures médiatiques et la coupure générale d’internet dans le pays accentuent l’asphyxie informationnelle. Les Iraniens sont isolés, réduits au silence.
La guerre ne se déroule plus seulement sur les champs de bataille. Elle est médiatique, technologique, algorithmique. Les autorités iraniennes ont appelé leurs citoyens à supprimer WhatsApp, accusée de transmettre des données aux services de renseignement israéliens. Même si cela s’apparente à de la propagande défensive, cela illustre un fait réel : la guerre moderne est aussi une guerre de la donnée, de la surveillance et du récit.
Il ne s’agit pas ici de défendre l’Iran des mollahs, ni de blanchir les dérives autoritaires de Téhéran. Mais il est impératif de dénoncer la logique destructrice d’un conflit asymétrique imposé par des puissances nucléaires contre un peuple souverain.
Critiquer Israël ne relève pas de l’antisémitisme ; c’est un devoir de conscience, au même titre qu’il fut jadis nécessaire de dénoncer l’Apartheid sud-africain. Soutenir les victimes iraniennes, comme les Palestiniens, comme les civils israéliens, c’est affirmer que la vie humaine ne vaut pas moins d’un côté de la frontière que de l’autre.
Au cœur de cette nuit noire pour le Moyen-Orient, la paix semble plus éloignée que jamais. Et pourtant, elle est la seule issue viable. La paix ne naîtra pas des ruines de Natanz ni des flammes de Téhéran, encore moins des tweets belliqueux de dirigeants occidentaux. Elle naîtra du dialogue, de la reconnaissance mutuelle, de la fin de l’impunité pour tous les crimes de guerre, quels que soient leurs auteurs.
Que les peuples s’élèvent contre les tyrannies, contre les impérialismes, contre les logiques d’extermination. Que la paix devienne un projet mondial, porté par les voix libres, par les journalistes debout, par les enfants qu’on n’a pas encore tués.
Car il est encore temps d’écrire un autre avenir.
Lawouze Info
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