Par Jean Wesley Pierre
Le 4 septembre 2025, au Cap-Haïtien, le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Fils Metellus, a lancé en grande pompe les premières consultations régionales pour le Plan de Relance et de Développement Économique 2025-2030.
Comme à chaque cycle politique, le gouvernement promet de « relancer » l’économie nationale et d’orienter le pays vers la prospérité. Mais derrière les discours soignés, les citoyens s’interrogent : combien de plans similaires ont déjà été annoncés sans lendemain ?
Un discours séduisant mais familier
Le ministre a présenté le processus comme une démarche « inclusive », ouverte aux collectivités territoriales, à la société civile et au secteur privé.
« Nous avons montré notre vision de ce que pourrait devenir le Grand Nord dans 5 à 10 ans. Les maires nous ont exposé leurs réalités, pour que nous puissions passer à des actes concrets », a déclaré M. Metellus.
Ces mots rappellent étrangement ceux prononcés par ses prédécesseurs, qui, depuis les années 1990, multiplient les annonces de plans stratégiques et de visions à moyen terme… sans jamais transformer réellement le quotidien de la population.
L’éternel décalage entre projets et réalité
Le paradoxe saute aux yeux : pendant que les autorités esquissent des perspectives économiques à 2030, les habitants du Grand Nord, comme ailleurs en Haïti, manquent encore d’eau potable, d’électricité, d’infrastructures routières de base et d’emplois décents. Dans plusieurs communes, les maires eux-mêmes avouent leur impuissance face à la dégradation des conditions de vie.
Les promesses de relance se heurtent à des réalités dures : un État affaibli, des finances publiques exsangues, une économie largement dépendante des transferts de la diaspora et une insécurité persistante qui paralyse toute initiative de développement durable.
Des partenaires toujours présents, mais jusqu’à quand ?
Comme souvent, la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et la Banque Mondiale se sont empressées de réaffirmer leur soutien au projet. Mme Corinne Catala (BID) et Mme Anne Lucie Lefebvre (Banque Mondiale) ont salué une « dynamique positive »… mais leurs déclarations rappellent aussi l’habituelle rhétorique diplomatique qui accompagne chaque lancement de programme financé par des bailleurs internationaux.
Pourtant, l’expérience démontre que ces appuis extérieurs ne suffisent jamais à garantir la réussite : sans volonté politique ferme, sans lutte réelle contre la corruption, et sans capacité institutionnelle, ces financements se transforment souvent en projets inachevés ou détournés.
Un scepticisme grandissant
Pour de nombreux observateurs, le Plan de Relance 2025-2030 ressemble davantage à une manœuvre de communication qu’à une véritable rupture. Dans les rues du Cap-Haïtien, certains citoyens n’ont pas manqué de rappeler les fiascos des précédents plans de développement, restés lettres mortes.
« Nou bouke tande bèl pawòl. Sa nou bezwen, se wout, dlo, travay ak sekirite. Se pa plan sou papye ankò », a lâché un commerçant, exprimant un ras-le-bol largement partagé.
Promesses ou illusions ?
L’histoire récente d’Haïti est jalonnée de plans quinquennaux, visions stratégiques et agendas de développement, rarement appliqués. Le risque est grand que ce nouveau plan devienne une répétition du passé : de belles promesses couchées sur papier glacé, ponctuées de consultations régionales, mais sans résultats tangibles pour la population.
Le vrai test ne sera pas dans les discours ni dans la présence des bailleurs internationaux, mais dans la capacité du gouvernement à traduire ses annonces en actions concrètes, visibles et mesurables. Faute de quoi, ce « Plan de relance » restera, une fois encore, un mirage pour un peuple qui réclame urgemment du pain, de la dignité et de la justice sociale.
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