Dans un message publié sur son compte X, le 5 mars 2025, Emmanuel Vertilaire, membre du Conseil présidentiel de transition (CPT) d’Haïti, a une nouvelle fois dénoncé l’inaction des dirigeants face à la crise sécuritaire qui paralyse le pays. Se faisant passer pour le représentant des paysans chassés de leurs terres, des déplacés survivant dans des camps insalubres et des entrepreneurs ruinés par la violence des gangs, Vertilaire appelle à un engagement sans faille pour rétablir la sécurité. Mais ces mots, aussi percutants soient-ils, soulèvent une question cruciale : en tant que membre du CPT, Vertilaire peut-il vraiment se distancier de l’échec collectif de cette instance ?
Le membre du conseil présidentiel haïtien, Emmanuel Vertilaire, décrit avec force la détresse des Haïtiens contraints de fuir leurs foyers, errant dans les rues à la recherche d’un refuge face aux assauts répétés des gangs armés. Il évoque les camps de déplacés où des milliers de personnes survivent dans des conditions inhumaines, privées de leur dignité et de leurs moyens de subsistance.
Il défend aussi les entrepreneurs dont les rêves ont été anéantis par le gangstérisme, un fléau qui étend son emprise sur le pays.
Pourtant, ces mots, aussi justes soient-ils, ne peuvent masquer une réalité incontournable : Emmanuel Vertilaire est lui-même membre du CPT, l’instance censée guider Haïti vers des élections et une stabilité retrouvée.
En pointant du doigt l’inaction de ses confrères, ne reconnaît-il pas implicitement sa propre impuissance, voire sa complicité passive, dans l’échec collectif de cette institution ?
Emmanuel Vertilaire en appelle à « l’amitié avec la population » et à la défense de l’intérêt collectif, affirmant que ces valeurs doivent transcender les considérations partisanes ou claniques. Mais cette rhétorique sonne creux dans un contexte où les dirigeants haïtiens, y compris ceux du CPT, sont souvent perçus comme déconnectés des réalités du peuple.
Les promesses de restauration de l’ordre public se heurtent à une réalité implacable : les gangs contrôlent désormais une grande partie de la capitale et étendent leur influence dans les zones rurales.
La « procrastination » dénoncée par Emmanuel Vertilaire est-elle le fait du CPT dans son ensemble, ou reflète-t-elle aussi l’incapacité de ses propres collègues, et peut-être la sienne, à prendre des décisions courageuses ? Les divisions au sein du conseil sont notoires, et chaque faction semble privilégier ses intérêts au détriment de l’intérêt général. En tant que membre du CPT, Emmanuel Vertilaire porte une part de responsabilité dans cette paralysie.
Alors que Emmanuel Vertilaire tire la sonnette d’alarme, les Haïtiens continuent de souffrir. Les camps de déplacés surpeuplés manquent de tout : nourriture, eau, soins médicaux.
Les entrepreneurs, autrefois fiers de contribuer à l’économie locale, voient leurs efforts réduits à néant par les extorsions et les pillages. Les écoles sont fermées, les hôpitaux débordés et la peur règne dans les rues.
Pendant ce temps, les gangs, bien organisés et lourdement armés, agissent en toute impunité. Leur pouvoir semble même surpasser celui de l’État, qui peine à mobiliser des forces de sécurité efficaces.
Les interventions internationales, souvent présentées comme une solution, n’ont jusqu’ici apporté que des résultats mitigés, voire contre-productifs, alimentant parfois le ressentiment de la population.
Emmanuel Vertilaire a raison de dire que « là où il y a division, les conflits augmentent ». Mais cette division, c’est aussi celle du CPT lui-même, incapable de s’unir autour d’une stratégie commune pour sauver le pays.
Les déclarations publiques, aussi bien intentionnées soient-elles, ne suffisent pas à masquer l’absence de leadership et de vision.
En tant que membre du CPT, Vertilaire ne peut se contenter de dénoncer l’inaction de ses pairs. Il doit aussi assumer sa part de responsabilité et œuvrer concrètement pour surmonter les divisions internes. Sinon, ses appels à l’action ne seront perçus que comme une tentative de se dédouaner de l’échec collectif de l’institution qu’il représente.
Emmanuel Vertilaire a le mérite de mettre des mots sur la souffrance du peuple haïtien. Mais dans un pays où les discours ont trop souvent servi à masquer l’inaction, ses paroles risquent de rester lettre morte.
Le CPT, et plus largement la classe politique haïtienne, doivent assumer leurs responsabilités. Sinon, ils risquent de passer à l’histoire non pas comme les sauveurs de la nation, mais comme ceux qui l’ont laissé sombrer.
En attendant, les Haïtiens continuent de payer le prix de cette impuissance. Et chaque jour qui passe, l’espoir s’amenuise un peu plus.
Jean Wesley Pierre
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